Pierre de Ronsard
Chronique 10
Ronsard en toutes notes
Tout près de Tours, se dressent les restes du prieuré de Saint-Cosme. Là repose Pierre de Ronsard, dans un cadre végétal idyllique où de toutes parts la rose s’offre au regard des visiteurs.
Ce lieu de méditation et de sérénité fut sa dernière demeure. Il y mourut en 1585, après y avoir passé les vingt dernières années de sa vie, entouré des moines du domaine.
Difficile d’imaginer dans ce calme pastoral dans quel contexte historique particulièrement mouvementé la vie de Ronsard ait pu se dérouler.
Le futur poète est né sous le règne de François 1er en 1525 : l’année même où le roi de France, en guerre avec Charles-Quint, essuie l’échec de la bataille de Pavie, puis se retrouve prisonnier du monarque en Espagne. D’autres guerres suivront, notamment avec les anglais, jusque vers les années 1540. Enfin, trente six années de guerres de religion vont ensanglanter la France dès 1562. A la mort de Ronsard, elles seront toujours en cours et auront influencé sans aucun doute une partie de son œuvre.
La tombe visible aujourd’hui n’est pas celle qui abrita le poète à l’origine. D’importantes destructions eurent lieu sur le site au cours des siècles. Elle fut construite lors de la découverte des restes de l’écrivain en 1933 et ne possède donc pas l’épitaphe que Ronsard lui-même avait souhaité y voir gravé :
Celui qui gist sous cette tombe icy
Aima première une belle Cassandre
Aima seconde une Marie aussy,
Tant en amour il fut facile à prendre.
De la première il eut le cœur transy,
De la seconde il eut le cœur en cendre,
Et si des deux il n’eut oncques Mercy.
Sans rien même connaitre des écrits de Ronsard, la lecture de ces quelques vers nous alerte sur sa musicalité. Celle-ci ne passera point inaperçue puisque très tôt, de nombreux musiciens vont l’approcher et proposer une illustration sonore de ses textes.
Avant d’approfondir le sujet, il peut être utile de rappeler les grandes lignes de son parcours littéraire.
En 1547, Ronsard rencontre le poète Joachim du Bellay. Ensemble ils vont créer un mouvement, la Pléiade, qui regroupera en son sein quelques célébrités littéraires : Jean-Antoine de Baïf, Jacques Pelletier du Mans, Etienne Jodelle, Rémy Belleau, Jean Doriat…
Alors qu’en 1539, l’Ordonnance de Villers-Cotterêts avait scellé le français comme langue officielle du droit et de l’administration, Ronsard et ses amis entendent lui donner un nouvel essor sur le plan littéraire. Ils vont s’inspirer de leurs grands ainés italiens (Pétrarque, Dante…) afin de parvenir à créer un style poétique capable d’égaler sinon de dépasser les auteurs de l’antiquité gréco-romaine. De nombreux néologismes et emprunts au latin, au grec et à certaines langues régionales vont bousculer les habitudes et enrichir considérablement la langue française. L’alexandrin, le sonnet, l’ode vont peu à peu remplacer les anciens modèles médiévaux encore défendus par Clément Marot, poète officiel à la cour de François 1er.
Poète de cour, « le prince des poètes » le sera également. Ses admirateurs et protecteurs auront noms Henri II et Charles IX. Ayant reçu les ordres mineurs tôt dans sa vie, il sera même leur aumônier. Même Henri III le rappellera temporairement (alors que le poète a déjà pris quelques distances avec la vie officielle en se retirant à Saint-Cosme), avant de lui préférer un rival…Philippe Desportes.
Ronsard et Calliope
La production poétique de Ronsard frappe par son abondance et sa diversité.
Les odes ont pour thème la nature, la vie, le temps qui passe, la mythologie. L’on y retrouve l’influence des poètes antiques comme Pindare et Horace. Elles constituent la facette la plus célèbre de ses écrits, celle qui intéressera le plus les musiciens. Ces odes sont écrites soit en décasyllabes, soit en alexandrins. Notons ici que le décasyllabe, encore fort prisé par des poètes comme Clément Marot, va tomber peu à peu en désuétude, notamment sous l’influence des travaux de la Pléiade.
Les amours. Epicurien, l’écrivain l’a été de toutes ses forces, et ses rencontres amoureuses largement célébrées et magnifiées dans ses écrits. Témoins : les amours de Cassandre, celle de Marie, les sonnets pour Hélène etc. C’est avec ces textes que Ronsard fixe les techniques de base du sonnet.
Les Hymnes. Proche des grands de ce monde, il était difficile à Ronsard de ne pas chanter les louanges de tel ou tel grand personnage de la cour, tel l’Hymne à Henri II. Chargés d’allégories, d’éruditions mythologiques, de réflexions philosophiques, les Hymnes écrits en alexandrins, ont un souffle « hugolien » avant la lettre.
Les discours. Ronsard a baigné dans les guerres de religion et s’est positionné très vite comme farouche anti calvinistes qu’il accuse de tous les maux dans des écrits polémiques virulents auxquels ceux-ci répondent avec la même véhémence. C’est la partie « engagée » de son œuvre.
La Franciade. Il s’agit d’une épopée commandée et soutenue à la fois par Henri II et Charles IX à la gloire de la France. Un vaste projet embrassant l’histoire des rois de France depuis Charles Martel jusqu’à son époque, qui restera en très grande partie inachevée. C’est le décasyllabe qui revient en force dans ces écrits.
Ronsard et Euterpe
« La poésie sans les instrumens ou sans la grâce d’une ou plusieurs voix, n’est nullement aggreable, non plus que les instrumens sans estre animez de la mélodie d’une plaisante voix »
On ne pourrait souhaiter éclairage plus précis de la plume même de Ronsard sur ses rapports avec la muse des sons. Dès la publication de ses premiers recueils, les compositeurs pressentent un fort potentiel musical et publient certains de ses textes en chansons. Vers 1560, on comptabilise près de 350 poèmes de Ronsard mis en musique. Antoine de Bertrand, Guillaume Boni, Philippe de Monte ou François Régnart comptent parmi ses plus fervents admirateurs, mais d’autres noms apparaissent et non des moindres : Roland de Lassus (surnommé le « divin Orlande » par Ronsard), Clément Janequin, Marc-Antoine Muret, Claude Goudimel, Pierre Certon, Claude Lejeune, Guillaume Costeley et même le hollandais Jan Sweelinck.
C’est dans ses odes et ses textes amoureux qu’ils vont puiser leur inspiration en écrivant des chansons polyphoniques à 4 ou 5 voix.
En plein âge d’or de la polyphonie, celle-ci toutefois fait grand débat parmi les têtes pensantes et il se trouve des voix contradictoires comme celle de Pontus de Tyard pour dénoncer « le brouhaha sonore » susceptible d’entraver l’intelligence des textes. Il préconise même un retour à la monophonie. Jean-Antoine de Baïf et la Pléiade travailleront sur le sujet afin de tenter de déterminer comment concilier les richesses sonores apportées par la musique à multiples voix et le respect du verbe poétique. Soumettre la musique au rythme du texte, tel était l’enjeu. Il ressortira de ces travaux la nécessité d’aller dans le sens d’une « musique mesurée à l’antique », assujettie à la métrique poétique telle qu’elle pouvait avoir été conçue par les grecs et les latins : des vers métriques fondés non sur la rime mais sur la quantité syllabique. Dans la seconde partie du XVIe siècle, certains artistes délaisseront la polyphonie au profit de l’air de cour à l’italienne, plus simplifié, monodique, et rythmé sur la scansion syllabique.
Pour résumer, au XVIe siècle, peu à peu, le langage poétique fixe ses règles, sa métrique, ses rythmes, et écrivains et compositeurs collaborent étroitement.
De « Mignonne, allons voir » de Guillaume Costeley aux « Poèmes de Ronsard » de Francis Poulenc
Il eut été étonnant que le sonnet le plus célèbre de Ronsard « Mignonne, allons voir » n’ait pu trouver son pendant sonore. Or nous sommes ici comblés ! Trois compositeurs contemporains du poète s’y intéressèrent : Guillaume Costeley tout d’abord, organiste à la cour de Charles IX, un artiste illustrant parfaitement les transformations dont nous faisions état dans le chapitre précédent, son style évoluant progressivement de la polyphonie vers un style italianisant plus épuré. Sa « Mignonne », chanson polyphonique à 4 voix, est un pur joyau de fraicheur, simplicité, grâce, en totale symbiose avec le joli texte de Ronsard.
Jean de Castro, compositeur de l’école franco-flamande, publie « Chansons, odes et sonnets de Pierre Ronsard » en 1577, avec notamment sa version de « Mignonne ».
L’angevin Jehan Chardavoine, quant à lui, se signale par ses adaptations monophoniques de chansons polyphoniques de l’époque et nous propose une version monodique du poème.
Un autre poème illustre, « Rossignol, mon mignon », trouve une magnifique illustration sonore par le truchement de Guillaume Boni, compositeur auvergnat né à Saint-Flour, qui écrit en 1576 « Sonnets de Pierre Ronsard mis en musique à quatre parties ».
Claude Lejeune, l’une des figures musicales les plus importantes du siècle, publie en 1572 « Mélange de chansons tant de vieux auteurs que des modernes » Calviniste de naissance, que tout sépare de Ronsard fervent catholique, cela ne l’empêchera pas toutefois de composer une chanson polyphonique à 5 voix sur ce poème.
S’il est d’usage de surnommer Ronsard « prince des poètes », Roland de Lassus, l’un des compositeurs les plus renommés de son temps, fut baptisé « prince des musiciens ». Né à Mons en 1532, il fut, d’après la musicologue Brigitte van Wymeersch, « une véritable éponge de son époque qui a puisé son inspiration partout et a réalisé la synthèse de plusieurs styles et incarne véritablement l’âge d’or de la polyphonie ». Son œuvre est considérable : 2000 œuvres ! Musique sacrée, profane, écrite en cinq langues ! Messes, motets, madrigaux, chansons…tout y passe ! Il n’est qu’un seul domaine qu’il semble n’avoir pas abordé : la musique instrumentale. L’un des joyaux que Ronsard lui inspirera est le poème « Bonjour mon cœur ». Comment résister au plaisir d’en goûter les paroles ?!
Il eut été étonnant que le sonnet le plus célèbre de Ronsard « Mignonne, allons voir » n’ait pu trouver son pendant sonore. Or nous sommes ici comblés ! Trois compositeurs contemporains du poète s’y intéressèrent : Guillaume Costeley tout d’abord, organiste à la cour de Charles IX, un artiste illustrant parfaitement les transformations dont nous faisions état dans le chapitre précédent, son style évoluant progressivement de la polyphonie vers un style italianisant plus épuré. Sa « Mignonne », chanson polyphonique à 4 voix, est un pur joyau de fraicheur, simplicité, grâce, en totale symbiose avec le joli texte de Ronsard.
Jean de Castro, compositeur de l’école franco-flamande, publie « Chansons, odes et sonnets de Pierre Ronsard » en 1577, avec notamment sa version de « Mignonne ».
L’angevin Jehan Chardavoine, quant à lui, se signale par ses adaptations monophoniques de chansons polyphoniques de l’époque et nous propose une version monodique du poème.
Un autre poème illustre, « Rossignol, mon mignon », trouve une magnifique illustration sonore par le truchement de Guillaume Boni, compositeur auvergnat né à Saint-Flour, qui écrit en 1576 « Sonnets de Pierre Ronsard mis en musique à quatre parties ».
Claude Lejeune, l’une des figures musicales les plus importantes du siècle, publie en 1572 « Mélange de chansons tant de vieux auteurs que des modernes » Calviniste de naissance, que tout sépare de Ronsard fervent catholique, cela ne l’empêchera pas toutefois de composer une chanson polyphonique à 5 voix sur ce poème.
S’il est d’usage de surnommer Ronsard « prince des poètes », Roland de Lassus, l’un des compositeurs les plus renommés de son temps, fut baptisé « prince des musiciens ». Né à Mons en 1532, il fut, d’après la musicologue Brigitte van Wymeersch, « une véritable éponge de son époque qui a puisé son inspiration partout et a réalisé la synthèse de plusieurs styles et incarne véritablement l’âge d’or de la polyphonie ». Son œuvre est considérable : 2000 œuvres ! Musique sacrée, profane, écrite en cinq langues ! Messes, motets, madrigaux, chansons…tout y passe ! Il n’est qu’un seul domaine qu’il semble n’avoir pas abordé : la musique instrumentale. L’un des joyaux que Ronsard lui inspirera est le poème « Bonjour mon cœur ». Comment résister au plaisir d’en goûter les paroles ?!
Bonjour mon cœur, bonjour ma douce vie.
Bonjour mon œil, bonjour ma chère amie,
Hé ! Bonjour ma toute belle,
Ma mignardise, bonjour,
Mes délices, mon amour,
Mon doux printemps, ma douce fleur nouvelle,
Mon doux plaisir, ma douce colombelle,
Mon passereau, ma gente tourterelle,
Bonjour, ma douce rebelle.
Hé ! faudra-t-il que quelqu'un me reproche
Que j'aie vers toi le cœur plus dur que roche
De t'avoir laissée, maîtresse,
Pour aller suivre le Roi,
Mendiant je ne sais quoi
Que le vulgaire appelle une largesse ?
Plutôt périsse honneur, court, et richesse,
Que pour les biens jamais je te relaisse,
Ma douce et belle déesse.
Clément Janequin pour sa part, compositeur, chantre et prêtre, qui fut un temps au service du père de Ronsard, est surtout connu pour ses grandes pièces vocales polyphoniques descriptives comme « La bataille de Marignan », « Le chant des oiseaux », ou « L’alouette » Toutefois, à la fin de sa vie, il mit en musique quelques poèmes de Ronsard, dont « Petite nymphe folâtre », délicieusement coquin
Petite Nymphe folâtre,
Nymphette que j'idolâtre,
Ma mignonne, dont les yeux
Logent mon pis et mon mieux:
Ma doucette, ma sucrée,
Ma grâce, ma Cythérée,
Tu me dois pour m'appaiser
Mille fois le jour baiser.
Tu m'en dois au matin trente
Puis après au disner cinquante,
Et puis vingt après souper.
Et quoi ? Me veux-tu tromper ? […]
Où fuis-tu mon Angelette,
Ma vie mon amelette ?
Appaise un peu ton courroux,
Assy-toy sur mes genoux,
Et de cent baisers appaise
De mon cœur la chaude braise.
Donne moy bec contre bec,
Or un moite, ores un sec,
Or un babillard, et ores
Un qui soit plus long encores
Que ceux de tes pigeons mignars,
Couple à couple fretillars. […]
L’on s’essoufflerait vite à tenter de dresser une liste exhaustive des musiques créées à partir d’œuvres de Ronsard. Pour le XVIe siècle, citons encore François Regnart avec « mon triste cœur », « ni nuit ni jour », « si je trépasse dedans ce bois », « contre mon gré », « heureux ennui », « las, toi qui es de moi », « boi janin à moi », Philippe de Monte avec « quand de ta lèvre », « si trop souvent », « le premier jour du mois de mai », chansons que l’on trouve enregistrées sur un très beau disque par l’Ensemble Clément Janequin.
Les deux siècles qui vont suivre marqueront une désaffection progressive pour son l’œuvre. Ne cherchons point d’exemples sonores au XVIIIe siècle, il n’y en pas…le siècle des lumières ayant purement et simplement « oublié » notre poète. Ce n’est qu’à l’époque romantique qu’il sera redécouvert et, comme s’il fallait à tout prix excuser l’imposture, l’on va voir réapparaitre son nom dans le paysage musical des XIXe et XXe siècles.
Gounod, Bizet, Massenet, Wagner, Cécile Chaminade, Saint-Saëns ouvriront la voix. Notons que Wagner et Chaminade proposeront leur version de « Mignonne, allons voir »
Puis, en 1924, à la faveur du futur quatre centième anniversaire de la naissance de Ronsard l’année suivante, la Revue musicale lance un appel à certains compositeurs afin qu’ils planchent sur des œuvres en rapport avec l’évènement : Paul Dukas, Maurice Ravel, Arthur Honegger, André Caplet, Albert Roussel, Darius Milhaud, Francis Poulenc. Tous s’y attellent et livrent leur copie à temps, Poulenc faisant exception. Et le miracle Ronsard se reproduit : de petits chefs-d’œuvre naissent et prouvent que, en des temps si éloignés de la Renaissance, sa poésie n’a en rien perdu de son impact, et permet, dans des approches esthétiques fort différentes, d’en dégager la musicalité intrinsèque.
De ces productions plus récentes, saluons tout d’abord les « Deux poèmes de Ronsard » pour voix seule et flûte d’Albert Roussel . Le compositeur nous propose une version aérienne du « Rossignol, mon mignon » couplée avec « Ciel, aer et vens ».
De son côté, Ravel choisit un texte intitulé « A son âme »
Amelette Ronsardelette,
Mignonnelette, doucelette,
Tres-chere hostesse de mon corps,
Tu descens là-bas foiblelette,
Pasle, maigrelette, seulette,
Dans le froid royaume des mors ;
Toutesfois simple, sans remors
De meurtre, poison, ou rancune,
Méprisant faveurs et trésors
Tant enviez par la commune.
Passant, j’ay dit : suy ta fortune,
Ne trouble mon repos, je dors.
Très épurée, l’œuvre pour voix seule et piano était l’une des préférées du compositeur : « C'est, disait-il non sans humour, celle de mes mélodies que je puis accompagner le plus commodément en fumant ! » L’accompagnement, formé d'une simple succession de quintes, s'exécute presque entièrement d'une seule main !
Enfin, Francis Poulenc nous livre une vision originale de « Cinq poèmes de Ronsard ». On y retrouve à la fois l’aspect primesautier de l’artiste, la spontanéité mélodique, mais aussi son lyrisme tout emprunt d’une douceur pudique.
Concluons sur un aspect moins connu de Ronsard, avec la lecture de ce magnifique poème qui montre combien, quelque cinq siècles avant nos préoccupations écologiques, le thème de la déforestation était déjà dans l’air…et notons au passage l’hommage qu’il rend à la Muse de la musique, Euterpe…
« Contre les bûcherons de la forêt de Gastines »
Ecoute, bûcheron, arrête un peu le bras!
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas;
Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force,
Des nymphes qui vivaient dessous la dure écorce
Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur,
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts et de détresses,
Mérites-tu, méchant, pour tuer nos déesses?
Forêt, haute maison des oiseaux bocagers,
Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers
Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière
Plus du soleil d'été ne rompra la lumière.
Plus l'amoureux pasteur, sur un tronc adossé,
Enflant son flageolet à quatre trous percé,
Son mâtin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l'ardeur de sa belle Jeannette.
Tout deviendra muet, Echo sera sans voix,
Tu deviendras campagne, et, en lieu de tes bois,
Dont l'ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue;
Tu perdras ton silence, et, haletants d'effroi,
Ni Satyres ni Pans ne viendront plus chez toi.
Adieu, vieille forêt, le jouet de Zéphyre,
Où premier j'accordai les langues de ma lyre,
Où premier j'entendis les flèches résonner
D'Apollon, qui me vint tout le cœur étonner;
Où premier, admirant la belle Calliope,
Je devins amoureux de sa neuvaine trope,
Quand sa main sur le front cent roses me jeta,
Et de son propre lait Euterpe m'allaita.
Adieu, vieille forêt, adieu, têtes sacrées,
De tableaux et de fleurs autrefois honorées,
Maintenant le dédain des passants altérés,
Qui, brûlés en l'été des rayons éthérés,
Sans plus trouver le frais de tes douces verdures,
Accusent tes meurtriers et leurs disent injures."
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La Ronde Poétique - 14 rue de Verdun - F-92500 Rueil-Malmaison