Benjamin Britten
Chronique 3
Les illumnations
Dans un entretien récent, le compositeur français Gilbert Amy déclarait : « … tout en me rendant compte après quelques essais que c’était pratiquement impossible de mettre en musique du Rimbaud. Vous pouvez mettre du Verlaine, du Baudelaire, tout ce que vous voulez,… mais Rimbaud, il y a quelque chose d’impénétrable, c’est un matériau qui résiste. »
Pourtant, un certain nombre de compositeurs du XXe siècle s’y attèleront : Darius Milhaud, Hans Werner Henze, Paul Hindemith, Gilbert Amy lui-même avec « Une Saison en enfer » pour soprano, piano, percussion et bande électro-acoustique. Léo Ferret et Charles Trenet dans un tout autre genre proposeront un éclairage personnel des poèmes de Rimbaud dans leurs chansons.
Mais la tentative la plus significative reste celle du compositeur britannique Benjamin Britten avec sa vision des « Illuminations ».
Benjamin Britten : d’emblée le nom sonne bien. Il y a une vraie jouissance sonore, musicale à le prononcer avec l’accent de sa patrie, « benjamine brittene », en prenant assise sur les deux « b » et en diminuant l’intensité du son et sa longueur sur les dernières syllabes « min » et « ten » ! Essayez ! Vous verrez !
Benjamin Britten : un destin musical déjà tracé le jour de sa naissance, celui de la Sainte Cécile, patronne des musiciens ! Signe fort, s’il en est !
Reconnu au Royaume Uni comme le plus grand compositeur depuis Purcell, mais boudé pendant des lustres sur notre territoire, Britten y trouve peu à peu sa place, grâce à des initiatives de programmation de plus en plus fréquentes. A sa mort en 1976, Britten laisse un catalogue pléthorique faisant la part belle à la musique vocale (opéras, oratorios, cycles vocaux). C’est particulièrement dans ces domaines que Britten développe des thèmes humanistes récurrents comme la haine de la guerre (il fut objecteur de conscience), l’injustice, l’innocence de l’enfance face à la perversité du monde adulte, le rejet de la bonne conscience moutonnière, un fort penchant vers les « Wozzeck de la société ».
Le langage musical de Britten est complexe, audacieux, à la fois gardien d’une certaine tradition britannique tout en étant résolument homme de son temps, prêt à s’aventurer vers de nouveaux rivages sans toutefois tomber dans les excès de l’atonalisme. C’est un mélodiste, ce qui pour une oreille novice n’est pas immédiatement identifiable, car son style mélodique est ambigu, entre-deux, jonglant entre conformisme et anti conformisme.
Britten se mérite. Il n’est pas le musicien à écouter en s’activant à d’autres tâches. Il requiert la plus grande attention et c’est à ce prix que l’on peut réellement l’apprécier.
Britten, Rimbaud et « les Illuminations » ...
« Les Illuminations » : troisième recueil de Rimbaud, après « Poésies » et « Une saison en enfer », écrit alors qu’il n’a pas vingt ans. Un sommet de la littérature française peu facilement apprivoisable et pour lequel les experts se contredisent toujours sur la ou les meilleures méthodes de décryptage. Un assemblage de visions hallucinées, une extraordinaire alchimie d’idées, de couleurs, de mots, ou le réel est en permanence malmené, distordu et transformé, sublimé dans un irréel imaginé par le poète, où tous nos sens sont sollicités.
C’est ce texte fou, hermétique pour certains, source de fantastiques voyages personnels pour d’autres, qu’appréhende en cette fin d’année 1939 Benjamin Britten, homme de grande culture, notamment en matière de poésie (il avait déjà mis en musique des textes de Hugo et Verlaine en 1928), de fine sensibilité, habitué lui-même à brouiller les pistes dans ses propres compositions, et trouvant très certainement dans l’univers de Rimbaud des échos à son cynisme et sa nostalgie de l’innocence de l’enfance.
Britten, fuyant la guerre, est parti pour les Etats-Unis (il y restera jusqu’en 1942). Pendant cette courte période, il compose beaucoup. C’est alors que lors d’un week-end, il découvre les poèmes de Rimbaud. Coup de foudre. Il déclare : « Je dois les mettre en musique ! » Sitôt dit, sitôt fait.
Nul doute que le sous-titre anglais « Painted plates » (gravures coloriées) prévu par le poète pour son recueil, aura également attisé la curiosité du compositeur, de même que la préface écrite par Verlaine ou le poète précise : « Le mot Illuminations est anglais », confirmant ainsi l’idée de gravures coloriées, d’enluminures…
Le recueil comporte plus de cinquante textes (les avis divergent sur le nombre exact en raison de la subdivision non évidente de certains poèmes). Tous sont en prose (sauf deux). Britten n’en retiendra que huit et pour certains, seuls des extraits, voire une phrase unique.
Ce cycle mélodique est écrit pour voix élevées (soprano ou ténor) et effectif orchestral réduit aux cordes.
Il se décompose comme suit :
I Fanfare - II Villes – III a Phrase – III b Antique - IV Royauté - V Marine - VI Interlude
VII Being Beauteous - VIII Parade - IX Départ
Analyse de la composition de Britten « Les Illuminations » ...
Examinons l’œuvre en détail : Pour suivre au mieux le déroulement de la composition de Britten, vous trouverez dans la colonne de gauche des commentaires et dans la colonne de droite en parallèle, les extraits concernés du poème de Rimbaud…
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