Jean Koehler
Pour mieux se connaitre...
à l'appel de Socrate
PSYCHANALYSE : THERAPIE OU PHILOSOPHIE ?
Les dernières découvertes de ces 10 dernières années en matière de connaissance du cerveau, des mécanismes de la pensée, de la compréhension des émotions et des affects ont remis en question pas mal de certitudes concernant la psychanalyse dans ses aspects thérapeutiques.
Essayons tout d’abord de rappeler les grandes règles et mode de fonctionnement d’une discipline dont Freud a été incontestablement le père fondateur et qui a ensuite connu la renommée que l’on sait.
Alors, la psychanalyse qu’est-ce que c’est ?
UNE BELLE HISTOIRE
Il était une fois quelque part du coté de Vienne en Autriche, un médecin, Joseph BREUR, qui se mit à écouter une de ses patientes atteinte de graves troubles nerveux exprimer ses symptômes, qui lui accorda attention et respect, et découvrit qu’elle pouvait être soulagée de sa souffrance au moyen de la parole, lorsqu’elle trouva une oreille attentive capable d’entendre les maux dont elle était atteinte… .
Cette malade, Bertha PAPPENHEIM, plus connue sous le nom d’Anna O invente tout simplement la « talking cure », la cure par la parole. Elle utilisera même le terme de « chimney sweeping » c'est-à-dire ramonage de cheminée !
Sigmund FREUD, autre médecin et ami du premier se trouve très impressionné par cette histoire et, percevant l’origine sexuelle de nombreux troubles, propose à J BREUR de publier conjointement un livre relatant des guérisons de ce type, ce qui donnera « ETUDES SUR L’HYSTERIE », ouvrage publié en 1895 dans lequel les deux compères affirment avoir obtenu par ce traitement, de type cathartique*, des guérisons complètes.
(*) Cathartique = qui purge
Nous sommes à la fin du XIXème siècle à une époque où l’on enfermait dans des asiles insalubres les malades mentaux mélangés pêle-mêle avec les mendiants, les enfants abandonnés, les vieillards, les cas sociaux qui se bousculent en criant dans d’immenses dortoirs crasseux.
La promiscuité est le lot normal où les convalescents côtoient les chroniques et les incurables.
En médecine, c’est le règne absolu du mandarinat, le malade étant considéré comme un objet, et la maladie traitée sans se soucier le moins du monde de ce que pouvait en dire le malade ! C’est l’époque des aiguilles enfoncées un peu partout dans le crane, des électrochocs et des camisoles de force qui vont constituer le traitement principal des maladies mentales à une époque ou la pharmacopée est encore balbutiante.
Alors cette nouvelle approche qui, chose inouïe à l’époque, humanise le patient, va connaitre une expansion fulgurante dans le monde occidental.
Mais voilà, la légende est trop belle… pour être totalement vraie !
En fait, Bertha PAPPENHEIM déclarée officiellement guérie en 1882 de tous ses symptômes, fut … hospitalisée quatre fois jusqu’en 1887 !
En 1883, Freud écrit à sa fiancée que BREUR lui avait confié : « qu’il souhaiterait que Bertha soit morte afin que la pauvre femme soit délivrée de ses souffrances. Il dit qu’elle ne se remettra jamais, qu’elle est complètement détruite ».
Mais oh mystère de la maladie, Bertha PAPPENHEIM finit, en dehors de toute cure, par se rétablir fin 1890 et put se lancer dans diverses activités littéraires et philanthropiques ! Ce fut pour le moins une guérison en différée.
En fait personne n’a su ce qui a provoqué la guérison de Bertha PAPPENHEIM mais FREUD et BREUER n’ont pas hésité à s’en attribué le mérite, au mépris de la vérité.
Si j’ai insisté sur ce cas c’est qu’il est exemplaire de l’ambiguïté qui va accompagner la psychanalyse tout au long des années.
DEFINITION DE LA PSYCHANALYSE
La définition n’est pas si aisée comme tout ce qui touche à la psyché, à savoir le cerveau, le langage, les émotions, les comportements, jusqu’aux névroses et l’éventail des souffrances qui vont des troubles du mal-être jusqu’aux graves maladies mentales.
FREUD aurait, en 1922, désigné par le terme de psychanalyse trois choses nous dit Daniel LAGACHE dans son Que sais-je ? sur la psychanalyse :
1°) Une méthode d’investigation des processus mentaux à peu près inaccessibles à toute autre
méthode ;
2°) Une technique des traitements des désordres névrotiques, basée sur cette méthode d’investigation ;
3°) Un corps de savoir psychologique dont l’accumulation tend à la formation d’une nouvelle
discipline scientifique ;
Cette méthode d’investigation repose sur la règle fondamentale de libre association qui prescrit au patient allongé, de tout exprimer, même si une idée lui parait désagréable, absurde, futile ou sans rapport avec le sujet. L’expression des associations d’idées étant censée s’accompagner de la libération d’affects refoulés.
Par cette définition on voit bien que cette méthode n’a rien de « scientifique » ni encore moins de médical malgré le 3° qui veut à tout prix l’y rattacher.
La discipline médicale qui traite des troubles nerveux et des maladies mentales est la psychiatrie ou la neuropsychiatrie.
Freud était certes docteur en médecine mais il se prétend l’inventeur d’une discipline originale qui sortait justement du carcan rigide de l’approche médicale.
La psychanalyse fait partie de la psychologie qui se veut une étude des phénomènes de l’esprit, de la pensée chez les êtres vivants doués d’une certaine conscience. Mais elle revendique de pouvoir échapper à toute classification objective de la part des sciences humaines.
ORIGINES DE LA PSYCHANALYSE
La psychanalyse est indissociable de son père fondateur, c'est-à-dire Sigmund FREUD.
Ce dernier le dit lui-même, il a réalisé entre 1897 et 1906 un travail pour le moins original, à savoir entreprendre une auto-analyse. FREUD s’est analysé lui-même et Michel ONFRAY de pointer que : « cette discipline fut d’abord une aventure existentielle autobiographique, strictement personnelle, un mode d’emploi à usage unique »…
On est très loin de tout processus scientifique même si les découvertes de l’interprétation des rêves en passant par le complexe d’Oedipe, la sexualité infantile, la horde primitive, le meurtre du père, l’étiologie sexuelle des névroses qui sont d’abord une vision du monde qui lui est propre, vont constituer un formidable apport dans la compréhension des phénomènes psychiques.
QUI EST SIGMUND FREUD ?
Son père, Jacob FREUD, était un commerçant aux ressources modestes. Se lançant dans le textile, il connaitra une faillite qui lui fera fuir Freiberg en Moravie pour finir à Vienne en 1859.
Il se marie à 16 ans et a deux fils EMMANUEL né en 1832 et PHILIP né en 1836.
Devenu veuf, Jacob se remarie et perd sa seconde épouse, Rebecca, dont on sait peu de choses et avec qui il n’a pas d’enfants. Sigmund est né d’un troisième mariage en mai 1856. Sa mère AMALIA avait alors 21 ans alors que son père en avait 41.
On remarque que sa mère a le même âge que ses frères nés du premier mariage.
On note aussi que les enfants de son frère EMMANUEL ont le même âge que lui.
Emmanuel a eu trois enfants dont Pauline née comme Sigmund en 1856.
Lorsqu’il joue avec ses cousins et cousine qui habitent en face de chez lui, la question du père a du se poser maintes fois. N’est-ce pas plutôt EMMANUEL ? Jacob ne fait-il pas figure de grand-père ?
Et AMALIA, de qui donc est-elle la mère, l’épouse, la sœur, la femme ?
Mariage, veuvage, remariage, enfants difficiles à situer dans les degrés de parenté, voilà de quoi générer quelques interrogations qui pourront faire l’objet d’un travail plus tard !
Deux ans après la naissance de Sigmund, Amalia aura un deuxième fils qui ne vivra que 6 mois. Sigmund reconnaitra avoir éprouvé une forte jalousie à l’égard de ce frère et avoir sans aucun doute souhaité sa mort.
AMALIA mettra ensuite cinq filles au monde suivi d’un garçon.
Sigmund dira plus tard avoir eu des rapports affectifs très forts avec sa mère, dont il a incontestablement été le fils préféré.
Sont ainsi posés les bases d’un contexte particulier propice à se sentir interpelé plus tard par le fameux complexe d’Oedipe !
UN HOMME QUI SE CHERCHE
En juin 1880, un jeune homme de 24 ans se cherche encore. Il passe la première partie de son doctorat de médecine. Il n’est pas spécialement en avance. En fait, il a peu de goût pour cette discipline. Il veut réussir, gagner de l’argent, ne plus dépendre des bourses et autres aides financières qui lui ont permis jusque là de faire ses études, son père ayant connu de graves revers de fortune.
Il est ambitieux, et cherche une voie originale pouvant déboucher rapidement vers le succès.
Il comprend vite qu’il a peu de chance de faire une carrière scientifique brillante. Il est pauvre, les postes officiels sont rares et réservés aux enfants des milieux favorisés, et en plus il est juif dans une Autriche où il faut compter avec un antisémitisme montant.
Vienne est la capitale d’un empire austro-hongrois qui règne avec force et suffisance sur toute une partie de l’Europe de l’est. La morale victorienne ne badine pas avec la sexualité.
Les jeunes filles doivent rester pures jusqu’au mariage et les bordels sont là pour satisfaire les pulsions sexuelles de ces messieurs. Mais gare aux maladies vénériennes qui prolifèrent et terrorisent ces derniers ! Freud comprend très vite que la sexualité refoulée de son époque provoque d’importants ravages dans les esprits.
Pour gagner sa vie FREUD travaille de 1876 à 1882 sous les ordres d’un grand physiologiste allemand, Ernst BRUCKE dans son laboratoire à mieux comprendre la sexualité des poissons avant de s’attaquer à l’anatomie cérébrale humaine.
En 1884 FREUD se lance dans des expériences sur la cocaïne après avoir lu dans une revue américaine que celle-ci avait des pouvoirs étonnants. La cocaïne pouvait parait-il aider les accros de la morphine à se libérer de leur dépendance. Il propose à son ami et collègue Ernst von FLEISCHL – MARXOW devenu morphinomane après une pénible opération chirurgicale de le guérir de cette dépendance.
FREUD n’hésitera pas à publier des résultats de guérison totale.
En fait FLEISCHL s’était tellement habitué à la cocaïne et en commandait de telles quantités que le fabricant lui demanda, pensant qu’il l’utilisait dans des expériences scientifiques, de lui communiquer une étude sur les effets de celle-ci. Un an après, FLEISCHL continue à aller très mal ; il consomme des quantités astronomiques de cocaïne et de morphine, et meurt peu de temps après.
FREUD n’avait pourtant pas hésité à travestir la réalité dans ses publications. En 1885 il écrit un article très élogieux sur l’utilisation de la cocaïne qui améliore l’état du patient et qui va pouvoir « soigner dépression, mélancolie, hystérie, hypocondrie.. ».
Trois ans plus tard, la supercherie découverte, FREUD n’hésitera pas à faire disparaitre ses articles de sa biographie officielle, quand il envoi son CV pour être admis comme professeur de faculté. Ses hagiographes mettront cela sur le compte d’un tour joué par son inconscient !
La mort de son ami a pour mérite de le détourner de ce type d’expérience alors il repense à l’histoire de BREUER avec Bertha PAPPENHEIM. Le traitement par l’hypnose, la manifestation des symptômes hystériques lui donne envie d’en savoir plus.
En 1885 FREUD obtient une bourse pour aller à Paris suivre l’enseignement de CHARCOT à La Salpêtrière, le maître incontesté en Europe du traitement de l’hystérie par l’hypnose.
Il en reviendra enthousiasmé et retournera encore une fois en France chez BERNHEIM à Nancy pour compléter ses études sur l’hystérie. Cette fois-ci c’est sûr, il a trouvé sa voie et va se lancer dans des thérapies qu’il appellera « psycho-analyse ».
Dans toutes les publications qu’il fera par la suite, des ETUDES SUR L’HYSTERIE, en passant par L’HOMME AUX LOUPS (Sergius PANKEJEFF qui fit une analyse pendant 60 ans pour mourir avec tous ses symptômes intacts, ce qui n’a jamais empêché FREUD de déclarer après quelques années d’analyse, son patient guéri !) il y aura toujours un abîme entre ce qu’il écrira en matière de guérison et la réalité !
Sans entrer plus à fond dans le sujet, je vous renvoie au « Livre noir de la psychanalyse » et celui de Michel ONFRAY « le crépuscule d’une idole », qui démontrent de façon accablante que la psychanalyse n’a jamais entrainé de guérison certaine comme on peut le mesurer sur le plan médical. Chaque fois que la psychanalyse se place sur le plan de la science, de l’observation ou de l’expérience scientifique, elle se fourvoie et se trouve obligée de travestir et de maquiller ses échecs sous des écrits souvent verbeux.
C’est en voulant absolument apparaitre comme un homme de science et faire reconnaitre la psychanalyse comme discipline scientifique, en détruisant toutes les correspondances, les notes et autres écrits prouvant le contraire que FREUD fait paradoxalement un tort considérable à sa discipline sur le long terme.
Dans une lettre à FLIESS qui est alors son ami, il écrit en 1900 : « Je ne suis absolument pas un homme de science, un observateur, un expérimentateur, un penseur. Je ne suis rien d’autre qu’un conquistador par tempérament, un aventurier si tu veux bien le traduire ainsi, avec la curiosité, l’audace et la témérité de cette sorte d’homme ».
Conquistador, aventurier, voilà les maîtres mots lâchés, lourds de conséquences ! Mais au moins ils sonnent vrai !
SIGMUND FREUD, THERAPEUTE OU PHILOSOPHE ?
Paradoxalement, Michel ONFRAY, en présentant FREUD sous l’angle de la philosophie, lui rend hommage quant à sa valeur et son talent. En fait la psychanalyse, tant par son origine que par sa démarche, relève plus de l’approche philosophique, dans un plan voisin du « connais-toi toi-même de Socrate ».
Et Michel ONFRAY de classer FREUD parmi les grands philosophes qui ont fait une approche originale et personnelle de la connaissance humaine.
Il ajoute : « le freudisme est donc, comme le spinozisme ou le nietzschéisme, le platonisme ou le cartésianisme, l’augustinisme ou le kantisme, une vision du monde privé à prétention universelle. La psychanalyse constitue l’autobiographie d’un homme qui s’invente un monde pour vivre ses fantasmes, comme n’importe quel philosophe ».
Michel ONFRAY de souligner avec le mordant qui le caractérise :
Dans l’antéchrist NIETZSCHE écrit : « Au fond il n’y eut qu’un seul chrétien et il est mort sur la croix » et Michel ONFRAY d’ajouter : « au fond il n’y a eu qu’un seul freudien et il est mort dans son lit à Londres le 23 septembre 1939 » !
Comme tous les grands philosophes, FREUD va cristalliser sur sa personne une partie de la problématique du genre humain. De ce fait il a grandement contribué à faire évoluer la connaissance du psychisme.
Il a créé une méthode originale d’exploration de l’inconscient par la libre association des images, des souvenirs. Mais sans pouvoir définir de façon scientifique ce qu’est réellement l’inconscient.
Pourtant dans « Vocabulaire de la psychanalyse », de LAPLANCHE / PONTALIS, à l’article inconscient : « S’il fallait faire tenir en un mot la découverte freudienne, ce serait incontestablement en celui d’inconscient ». L’inconscient comme clé de voûte de la psychanalyse.
Certes, dans l’interprétation des rêves, FREUD rappelle qu’il existe des pensées et des images qui échappent au conscient ! Mais cela on le sait depuis l’antiquité, de l’interprétation des songes, des chamans aux devins, en débouchant sur le religieux qui veille à son monopole sur « la grandeur divine » !
Dans Métapsychologie, FREUD définit l’inconscient comme expliquant ce qui ne peut pas l’être par le conscient ! De plus l’inconscient ne se laisse pas approcher car il se défend par le refoulement et la résistance. Problème devenant insoluble car qu’on le veuille ou non le conscient reste la porte d’entrée obligatoire de toute connaissance !
Et donc il se situe en fait sur le même plan que celui des philosophes avec le noumène, la chose en soi, de KANT.
Pour ma part, j’adhère assez à cette définition de l’inconscient donné par LACAN :
« l’inconscient est structurellement le discours de l’Autre, non pas une autre personne qui serait, elle aussi douée de conscience, mais d’un Autre qui n’est ni sujet ni conscience et qui même à la limite n’existe pas. Il s’agit d’un Autre qui est radicalement discours, c'est-à-dire passage de l’un à l’autre des signifiants cause du langage ».
FREUD a redonné une place importante au contenu des rêves, des actes manqués, a élaboré une théorie du fonctionnement de l’appareil psychique, des pulsions, sous forme de postulat.
Dans l’abrégé de psychanalyse FREUD écrit : « la psychanalyse suppose un postulat fondamental qu’il appartient à la philosophie de discuter mais dont les résultats justifient la valeur ». Un postulat ni ne se prouve, ni ne se démontre. Dont acte ! Mais on est loin d’une approche scientifique !
Cependant la psychanalyse, par son approche originale de la psyché, a redonné toute son importance à ces notions d’inconscient, à une réflexion sur la mort, sur la sexualité qui sont au cœur de l’âme humaine.
La psychanalyse est fondée sur la parole, sur une relation particulière entre deux personnes basée sur le langage.
Pour essayer de comprendre ce qui est mis en jeu et revêt une si grande importance il faut faire un bref rappel sur des notions élémentaires concernant le langage et sa source, à savoir le cerveau.
LANGAGE ET CERVEAU
Dans « La plus belle histoire du langage », Pascal PICQ, paléoanthropologue, explique que « l’homme n’est pas le seul animal qui pense. Mais il est bien le seul à penser qu’il n’est pas un animal ! »
Le langage est le propre de l’humain. Par le langage, l’homme peut nommer et faire exister les choses, il peut créer.
Au commencement était le verbe dit la Genèse. Effectivement, sans la parole, l’homme ne peut plus se distinguer du singe, son cousin avec qui il partage déjà plus de 98 % de son patrimoine génétique.
C’est le langage qui distingue l’homme de l’animal mais il ne faut pas confondre langage et communication.
Les animaux communiquent leurs émotions liés à leurs besoins vitaux, se nourrir, se protéger, se reproduire.
Dans le langage il y a une dimension imaginaire et symbolique qui dépasse totalement la communication primaire de l’animal. Les hommes peuvent évoquer l’abstrait alors que l’animal ne peut que rester dans le concret.
Un chimpanzé sera parfaitement exprimer par un langage son désir de s’approprier la belle pomme rouge et jaune qu’il a envie de croquer, mais pourrait-il évoquer que cette couleur rouge et jaune lui rappelle un coucher de soleil, en contemplant l’horizon, un soir d’été, au bord de la mer, si bien traduite parmi d’autres, dans la peinture de TURNER ?
Rappelons brièvement la composition du cerveau humain, sans entrer dans la complexité de ce dernier. A l’intérieur du cerveau se trouve un cerveau émotionnel que l’on appelle le cerveau limbique et qui est très différent du reste du néocortex c'est-à-dire de la partie la plus évoluée du cerveau, siège du langage et de la pensée. Si l’on admet la théorie de l’évolution, alors ce cerveau limbique correspondrait à notre partie animale qui nous relie aux espèces antérieures.
Antonio DAMASO, médecin et chercheur américain a expliqué que : « la vie psychique est le résultat d’un effort permanent de symbiose entre deux cerveaux :
D’un côté un cerveau cognitif, conscient, rationnel et tourné vers le monde extérieur (le néocortex, siège de la raison qui contrôle la connaissance, le langage, et le raisonnement. Il est le siège du « savoir »).
De l’autre, un cerveau émotionnel, inconscient, préoccupé d’abord par sa survie et avant tout connecté au corps » (cerveau limbique, siège des émotions qui commande les fonctions essentielles du corps, respiration, rythme cardiaque, tension, affects, sommeil, libido etc…). Même l’estomac serait peuplé de plusieurs centaines de millions de neurones ! Il y aurait une interaction très importante entre les émotions, le système entérique et le cerveau. L’expression « ça nous prend aux tripes » serait parfaitement fondée !
Sans pouvoir entrer dans le détail, beaucoup de nos difficultés mentales et psychiques viennent de la mésentente de ces deux cerveaux alors que nous nous sentons en harmonie avec nous mêmes lorsque qu’ils sont en phase. Sans oublier le cœur « qui a ses raison que la raison ne connait pas » ! « Adieu dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux » (St Exupéry, Le Petit Prince)
Le cerveau est relié au cœur au travers du système nerveux périphérique qui contrôle l’émission d’adrénaline et d’acétylcholine qui ont une grande importance dans notre comportement. On sait aujourd’hui que le système sympathique accélère le cœur et active le cerveau émotionnel alors que la branche parasympathique joue un rôle de frein.
Cerveau limbique, néocortex, système sympathique et parasympathique, font de l’être humain un ensemble d’une extraordinaire complexité qui explique la difficulté à faire fonctionner tout cela de façon harmonieuse.
Les deux cerveaux ont une perception différente du monde extérieur. Ils peuvent coopérer ou se disputer le contrôle de la pensée, des émotions et du comportement. Malheur à l’individu quand ces deux cerveaux sont en désaccords et entrent en conflit ! A l’inverse, heureux celui qui peut les faire fonctionner en harmonie !
La psychanalyse a incontestablement apporté sa pierre dans la compréhension des phénomènes psychiques. Mais elle se fourvoie lorsqu’elle se déclare seule compétente à appréhender les troubles mentaux.
FREUD a souvent poussé le bouchon trop loin en affirmant dans « Cinq Leçons sur la psychanalyse » que cette dernière est une nouvelle méthode d’investigation et de guérison ». Il ajoute plus loin « en tant que thérapie, elle permet d’éliminer les souffrances ».
Aujourd’hui, cela ne passe plus et apparait à juste titre comme un mensonge, FREUD ayant manifestement pris ses désirs pour la réalité.
Il se place lui-même dans une totale contradiction lorsqu’il revendique qu’aucun diplôme n’est nécessaire pour pratique la psychanalyse en le justifiant par le fait qu’une analyse n’est rien d’autre qu’un échange de parole entre le patient et l’analyste !
Mais il ne faut pas jeter pour autant le bébé avec l’eau du bain en démolissant tous les apports que la psychanalyse a pu apporter par ailleurs. Lorsqu’elle se place sur le terrain de l’écoute, de la compréhension, du dialogue, c'est-à-dire de l’apprentissage de la connaissance du langage et de ses effets sur l’individu dans son histoire, son corps et son psychisme, elle participe grandement à cette recherche de l’harmonie auquel tend tout être humain.
La psychanalyse doit commencer par reconnaitre et admettre qu’elle ne peut pas tout, à moins de sombrer dans un syndrome totalitaire et donc dangereux pour celui qui la pratique !
Combien d’analyses ratées, interminables, et de patients qui, après s’être allongés sur un divan pendant plusieurs années ont la conviction de n’avoir rien résolu du tout !
De façon paradoxale, la psychanalyse est victime aujourd’hui d’avoir su imposer et faire largement reconnaitre par l’ensemble des intervenants dans le domaine médical, que l’individu ne peut plus être traité uniquement comme objet mais que tout traitement passe par la compréhension et l’adhésion volontaire et consciente du malade à celui-ci.
On pourrait peut-être dire que la psychanalyse a permis d’introduire une certaine « laïcisation » de la pratique médicale qui avait trop tendance à ne considérer l’individu que comme symptôme ou objet à traiter. Ce danger est d’ailleurs toujours vrai. Le développement des nouvelles technologies médicales et de la toujours plus puissante pharmacopée peuvent à tout moment privilégier « le seul organique » et nous attirer si l’on n’y prend pas garde, vers « le meilleur des mondes » !
La psychanalyse reste une discipline de recherche et d’étude de la complexité de l’être humain au travers de la compréhension de l’utilisation et des effets de la parole, si elle se situe dans un domaine qui relève beaucoup plus de la philosophie que du médical proprement dit.
Elle occupe une place intéressante et indispensable à la charnière des mondes de l’organique, du somatique, des sciences naturelles et des sciences humaines, du réel et de l’imaginaire en passant par le fantasme et le symbolique.
De nouvelles techniques existent aujourd’hui dans le traitement des troubles psychiques et des traumatismes psychologiques, qui arrivent à mettre en relation par des connexions nouvelles les différents aspects du cerveau et du corps.
Sigmund FREUD a incontestablement été un pionner émettant une série d’hypothèses audacieuses pour l’époque, en affirmant qu’une grande partie des troubles psychologiques, dépressions, anxiétés, névroses avaient pour origine des évènements traumatiques. Mais le traitement proposé, s’allonger pendant des années sur un divan, n’a pas prouvé que cela permettait de soulager durablement les gens qui en souffraient.
Et les mauvaises langues de persifler que le vrai bénéfice retombait toujours dans l’escarcelle du psychanalyste s’assurant ainsi une rente financière, pour le moins confortable !
La crise que traverse la psychanalyse est celle du refus d’admettre qu’il existe d’autres approches qui tiennent compte des toutes récentes découvertes du fonctionnement du cerveau, de la biologie et de la génétique. Et Dieu sait si les avancées scientifiques se font à pas de géant !
« Grace à l’effondrement du coût du séquençage ADN nous allons pouvoir connaitre bientôt la totalité des prédispositions génétiques des bébés. Un diagnostic génomique complet est déjà possible très tôt dans la grossesse à partir d’une simple prise de sang chez la mère » nous dit Laurent Alexandre président de DNA Vision. Ce séquençage va permettre d’éviter l’amniocentèse. Le comité consultatif national d’éthique (CCNE) vient de recommander aux pouvoirs publics d’accepter le séquençage prénatal par prélèvement sanguin maternel, qui ne présente aucun risque pour la mère et le bébé.
Incontestablement la possibilité de lire tout le patrimoine génétique du bébé par simple prise de sang de la mère, va encore bouleverser toutes nos connaissances médicales.
Le séquençage intégral de l’ADN de l’enfant va modifier notre rapport à la procréation puisque des milliers de maladies, y compris mentales, pourront être systématiquement dépistées pendant la grossesse. Aujourd’hui, 97% des trisomiques dépistés sont avortés. Ferons-nous demain différemment avec les autres pathologies lorsqu’elles seront reconnues ?
Il est probable que l’IVG sera privilégié dans un nombre élevé de prédispositions génétiques. Quels parents voudront courir le risque d’avoir à affronter des maladies durables chez leurs enfants y compris quand elles seront « mentales »?
Sur le plan de l’intelligence artificielle les découvertes vont en s’accélérant. En mars 2014 Ray KURZWEIL, directeur du développement et ingénieur en chef de Google, a déclaré que nous utiliserions des nano robots intracérébraux branchés sur nos neurones pour nous connecter à internet vers 2035.
Google occupe une place prépondérante grâce à son puissant moteur de recherche dont il ne cesse de développer les capacités et propriétés. Toujours selon le même KURZWEIL, l’intelligence artificielle dotée d’une conscience, devra dépasser l’intelligence humaine dès 2045.
A cette date, l’intelligence artificielle sera, selon ce dirigeant de Google, 1 milliard de fois plus puissante que la réunion de tous les cerveaux humains !
La dernière phase aujourd’hui révélée par les dirigeants de Google sera l’interfaçage de l’intelligence artificielle avec nos cerveaux.
En quelques décennies, Google aura transformé profondément l’humanité : d’un moteur de recherche il sera devenu une « neuroprothèse » et l’on pourra, toujours selon KURZWEIL, transférer notre mémoire et notre conscience dans des microprocesseurs, l’informatique et la neurologie ne faisant plus qu’un !
Mais « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » disait déjà en son temps Rabelais !
Alors je retiens essentiellement de la psychanalyse qu’elle est un moyen d’investigations très poussé permettant d’accéder à la connaissance de sa propre histoire.
PSCHANALYSE ET HUMANISME
La psychanalyse ouvre un chemin d’investigation pour traiter la question fondamentale de chaque individu, à savoir celle du QUI SUIS –JE ?
La cure analytique dans les règles de l’IPA (International Psychoanalytical Association) à raison de trois séances par semaine de trois quart d’heure chacune, sur plusieurs années vous permet incontestablement de découvrir et d’approfondir vos motivations profondes et cachées ! Elle élargit le champ des connaissances personnelles. Au cours de la cure, l’individu va explorer de fond en comble sa propre histoire familiale pour tenter de répondre à la question du D’OU JE VIENS ?
Chaque personne a une histoire unique, et de remonter dans le passé au travers des générations devient un véritable travail d’archéologue aux découvertes extraordinaires !
Que de cadavres dans les placards qui expliquent bien des comportements et dont la mise à jour qui, dans un premier temps est très désagréable pour l’entourage et pour soi-même, vous permet de mieux entrevoir le jeu des pulsions qui vous anime et qui vous mène souvent par le bout du nez !
La psychanalyse en tant que recherche autorise l’accès à un plan supérieur sur le chemin de la connaissance de soi mais aussi des autres, a condition de ne jamais oublier que nous sommes avant tout des êtres sociaux.
Comme toute technique philosophique poussée, la psychanalyse exige beaucoup d’efforts et d’investissements personnels, ce qui n’est pas sans danger.
Le premier et non des moindres est de fonctionner comme un trou noir où l’individu ne peut plus sortir de l’exploration de sa petite personne et sombre dans un nombrilisme étouffant ! C’est à mon sens une des raisons principales de la crise actuelle du mouvement analytique.
Car ces trente dernières années en France, les associations psychanalytiques se sont multipliées et divisées un peu sur le même mode que les organisations sectaires, intolérantes et dogmatiques. Les fantasmes de toute puissance et de domination n’existent pas hélas que dans le monde virtuel !
Une fois la révolte passée, il faut tenter de ramasser et de recoller les morceaux. Et avec l’aide du temps, l’individu apprend à relativiser et à s’adapter. L’important étant de ne jamais se couper de la relation sociale au travers d’activités diverses, et alors on découvre le champ extraordinaire d’un humanisme qu’il va falloir cultiver et faire fructifier.
Si il y a quelque chose d’universel par excellence c’est bien le fonctionnement de la psyché humaine ! Toute la culture, de la littérature aux différents arts sont là pour en témoigner.
Pour revenir à la psychanalyse et à son créateur, en ce qui me concerne, ma préférence va au Sigmund FREUD qui aborde les questions de sociétés dans L’AVENIR D’UNE ILLUSION et MALAISE DANS LA CULTURE, les questions culturelles dans LE DELIRE ET LES REVES DANS LA GRADIVA DE JANSEN, ou L’HOMME MOISE ET LA RELIGION MONOTHEISTE par exemple.
L’ « analyse » de ces ouvrages mériterait à eux seuls un long développement mais je terminerai en laissant la parole au malheureux Sigmund, bien malmené ces temps ci, en citant le dernier paragraphe de MALAISE DANS LA CULTURE, écrit en 1929, un pur questionnement philosophique sur notre devenir :
« La question décisive pour le destin de l’espèce humaine me semble être de savoir si et dans quelle mesure son développement culturel réussira à se rendre maître de la perturbation apportée à la vie en commun par l’humaine pulsion d’agression et d’auto-anéantissement.
A cet égard, l’époque présente mérite peut-être justement un intérêt particulier.
Les hommes sont maintenant parvenus si loin dans la domination des forces de la nature qu’avec l’aide de ces dernières il leur est facile de s’exterminer les uns les autres jusqu’au dernier.
Ils le savent, de là une bonne part de leur inquiétude présente, de leur malheur, de leur fonds d’angoisse.
Et maintenant il faut s’attendre à ce que l’autre des deux « puissances célestes », l’Eros éternel, fasse un effort pour s’affirmer dans le combat contre son adversaire tout aussi immortel.
Mais qui peut présumer du succès de l’issue ? »
(Il s’agit du combat éternel entre la pulsion de vie EROS, et la pulsion de mort THANATOS)
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